Morpion Solitaire

Morpion Solitaire - Origine

L'origine de ce jeu inspiré par deux jeux plus anciens (le Morpion et le Solitaire) semble inconnue, mais date d'au moins 50 ans en France.

Le plus ancien témoignage que j'ai pu trouver est celui de Daniel Goffinet, professeur de mathématiques en Math-Sup et Math-Spé à Saint-Etienne, France : il jouait souvent à ce jeu en 1962 ou 1963, quand il était élève en Première ou Terminale, au Lycée Paul Valéry de Paris. Il ne connaît hélas pas l'origine, il avait appris le jeu d'autres élèves. A cette époque, le jeu s'appelait déjà "Morpion Solitaire".

Pierre Berloquin en 2008 (Tours 1939 - )
Auteur de nombreux livres consacrés aux jeux et puzzles. Plusieurs de ses livres sont traduits en anglais, allemand, espagnol, japonais, chinois,...
En mai 2010, un article sur Pierre Berloquin est publié dans le quotidien Libération, voir ici ou ici.

Même si l'on ne connaît pas l'origine du jeu, on connaît la personne à l'origine de son succès : merci à Pierre Berloquin, responsable du large succès de ce jeu en France dans les années 70. J'y jouais moi-même, et les autres élèves aussi, quand j'étais en Math-Sup et Math-Spé pendant les cours ennuyeux (hmmm... non, je ne vous dirai pas qui étaient ces professeurs ennuyeux !). A cette époque, il était l'auteur d'une rubrique régulière intitulée "Jeux et Paradoxes" publiée dans le magazine français mensuel Science & Vie http://www.science-et-vie.com. Il présentait de nouvelles grilles dans sa rubrique dès qu'un nouveau record était trouvé par un lecteur : du premier record de Millington donné dans le numéro d'avril 1974, au dernier record de Bruneau d'avril 1976. Cette dernière grille publiée dans la rubrique de Berloquin a été le record mondial au jeu standard 5T jusqu'en août 2010.

Pierre Berloquin ne connaît pas l'origine du jeu, il l'avait probablement appris de Bernard Lemaire qui lui avait envoyé la première grille record faite en 1972 par C. W. Millington, Manchester. Sur l'origine des variantes, toutes ont été inventées après le jeu 5T standard :

La variante 5D a été initialement jouée à la fin des années 70 par Arthur Langerman. Questionné en 2008 par son fils Stefan, il dit qu'il est très possible qu'il ait changé les règles (touchant -> disjoint) par erreur : quelqu'un lui avait juste appris très rapidement le Morpion Solitaire
Les variantes 4T et 4D ont été inventées en 2002 par Erik Demaine, Martin Demaine, Arthur Langerman, et Stefan Langerman quand ils ont travaillé sur leur article publié ensuite en 2004.
D'autres variantes ont été proposées en 1974-1975 par les lecteurs des rubriques de Berloquin : MS2 (ici nommé 5T+), MS2 bis (ici nommé 5T++), MS3, MS4, ou en changeant le motif initial (ici nommé 5T#).
Et dans ce site, encore d'autres variantes !

Si vous connaissez une référence publiée avant 1974, ou si vous avez joué à ce jeu avant 1962, envoyez-moi un message ! Merci à Tangente (magazine mathématique français): dans le numéro de mars-avril 2008, ils ont demandé aux lecteurs d'envoyer leur témoignage. Mais hélas, rien reçu sur l'origine, ou sur une référence plus ancienne.

Merci à Michel Criton, Tangente (magazine mathématique français), et à Jean-Paul Bardoulat, BGV (bulletin de l'APMEP, association française de professeurs de mathématiques) : dans les numéros de respectivement mars-avril 2008 et juillet 2011, il été demandé aux lecteurs d'envoyer leur témoignage. Mais hélas, rien reçu sur l'origine, ou sur une référence plus ancienne.

Origine des mots

En anglais, on dit aussi "Morpion Solitaire", sans traduction. Il s'agit de deux mots français :

Morpion vient de deux autres mots français : "mords pion" prononcés exactement de la même façon, le "ds" étant muet. Dans notre cas ici, une explication facile serait que l'on mord (ou barre) les pions (ou pièces, ou petites croix, ou points,...) quand on trace dessus une ligne. Attention, car "morpion" a deux autres significations en argot :

jeune gamin quelque peu énervant...
et le pou qui se loge là où il ne faut pas !!!

Solitaire est un nom et adjectif français. Signifie bien sûr que ce jeu se joue seul.

Morpion et Solitaire sont deux jeux qui existaient séparément, avant le Morpion Solitaire :

Morpion est similaire au jeu de Tic-Tac-Toe. Joué à deux, mais à la place d'un damier 3x3 avec 3 points à aligner, le Morpion standard en France se joue sur un damier infini avec 5 points à aligner. Le gagnant est le premier qui réussit à tracer une ligne. Morpion est similaire aux jeux Connect-Five, Gomoku (mais sur damier 19x19), ou Renju (mais sur damier 15x15, version professionnelle du Gomoku).
Voir http://mathworld.wolfram.com/Gomoku.html, http://en.wikipedia.org/wiki/Gomoku, http://en.wikipedia.org/wiki/Renju
Solitaire est un très ancien casse-tête joué seul. Voir http://mathworld.wolfram.com/PegSolitaire.html ou http://en.wikipedia.org/wiki/Peg_solitaire. On peut remarquer qu'un des motifs initiaux les plus communs au Solitaire est une croix, comme pour le Morpion Solitaire (contour d'une croix). Comme cité par Maurice Kraïtchik dans ses Mathematical Recreations (p. 298), un joueur bien connu au Solitaire était Leibniz qui écrivait en 1716 : "Le jeu nommé le Solitaire m'a plu assez". Ce jeu a aussi été étudié par Edouard Lucas dans ses Récréations Mathématiques, premier volume, avec la même citation de Leibniz mais plus détaillée (p.90).

Voir aussi la page Pourquoi "morpion" pour le jeu ? Cinq hypothèses !

Plus anciens articles connus

Sauf erreur de ma part, il y a eu 8 articles dans lesquels Pierre Berloquin a parlé du jeu dans les années 70, dans sa rubrique "Jeux et Paradoxes" de Science & Vie. Il appelait principalement le jeu "Morpion Solitaire", ou parfois "Automorpion".

Les huit belles couvertures de Science & Vie, de1974 à 1977, contenant des articles sur le Morpion Solitaire.
Merci à Hervé Poirier, rédacteur en chef, pour son autorisation.

N°679, avril 1974, pages 144-145, "Les records à battre du Morpion Solitaire" (voir les images en dessous)
N°681, juin 1974, pages 138-139, "Le Morpion Solitaire, 160 alignements à battre"
N°686, novembre 1974, pages 148-149, "Les nouveaux records de l'automorpion"
N°692, mai 1975, pages 134-135, "Morpion Solitaire : l'épidémie s'étend"
N°694, juillet 1975, pages 128-129, "L'âge du capitaine et celui de sa fille" (dernier paragraphe intitulé "Au sujet du morpion solitaire")
N°698, novembre 1975, pages 160-161, "Le salon de l'automorpion"
N°703, avril 1976, pages 130-131, "Mini-morpion et nouveaux problèmes de dominos"
N°713, février 1977, page 122, "Opérations : coups de points"

Science & Vie, avril 1974 : premier article connu sur le Morpion Solitaire, par Pierre Berloquin
(cliquer sur les images pour les agrandir, ou télécharger le fichier PDF, 2.4Mo)

Quelques années plus tard, Michel Brassinne a écrit un article dans le magazine français aujourd'hui disparu Jeux & Stratégie, utilisant principalement des résultats précédemment publiés par Berloquin. Cet article a été suivi de deux courts post-scriptum :

N°16, août-septembre 1982, pages 28-29, "Découvrez... le morpion solitaire"
N°17, octobre-novembre 1982, page 96, "Post-Scriptum au n°16. Morpion Solitaire."
N°18, décembre 1982 - janvier 1983, page 101, "Post-Scriptum au n°17. Morpion Solitaire."

Merci à Michel Brassinne qui m'a autorisé à scanner ses publications de 1982 :

Jeux & Stratégie, août-septembre 1982 : article sur le Morpion Solitaire, par Michel Brassinne
(cliquer sur les images pour les agrandir)

Jeux & Stratégie, les deux post-scriptums sont ici marqués au jaune
(cliquer sur les images pour les agrandir)

Pierre Berloquin a publié une neuvième rubrique sur le jeu dans Science & Vie. Dans cette rubrique publiée plusieurs années après ses huit premières rubriques (listées plus haut), aucune grille record n'était donnée, seulement un rappel des règles :

N°909, juin 1993, page 152, "Le Big Morpion Bang"

Et dans son récent livre "Le Berloquin des jeux de table", parmi les règles de plus de 130 jeux, il présente celles du Morpion Solitaire page 29. Et www.morpionsolitaire.com est mentionné, merci Pierre !

"Le Berloquin des jeux de table" (2008 Editions de l'Archipel, et 2010 Editions Marabout)